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Livétien, Nant’z’arts, Vier’z’arts... : un parcours singulier
De Livet à Livet
Récit de vie
À cette époque pas de portes ouvertes. Mon entrée dans l’Institution LIVET, au sortir du collège de la Colinière, était à l’image forte d’un ressenti familial. « - Ton oncle André, qui est à l’outillage à la SNIAS , y a fait un court passage après la guerre », « - S’il avait voulu, il aurait pu y faire de brillantes études »… Le lycée vivait encore d’une ‘’aura’’ locale resplendissante dans le milieu ouvrier auquel j’appartenais. Nous savions tous qu’il avait été une des 5 ENP de France. Du reste de son histoire : rien.
La découverte d’un nouveau monde, rustique, comparé au design du collège moderne que je venais de quitter, ne fut pas un traumatisme, bien au contraire. J’y retrouvais l’odeur du suif et des liquides de coupe que ma mère apportait avec elle de l’usine Saulnier Duval (anciennement Brandt et SMGO ) où elle travaillait au rythme des 3x8 et où elle s’était imprégnée de ces relents âcres et suaves à la fois du métal travaillé. Je me souviens de la pince à épiler qu’elle maniait à domicile pour extraire les copeaux restés figés dans ses cuirs. Allais-je être obligé de passer par là ? C’était ma seule question au bout de quelques jours.
Je venais à vélo d’un quartier, maintenant devenu « La Beaujoire », par la route de Saint-Joseph de Porterie via le Ranzay. Ma sacoche était vite remplie du gros cartable et mon porte-bagages souvent garni du té et de la planche à dessin en bois (N°269) sur laquelle furent passées d’innombrables heures. Nous portions presque tous des « clarks » et des parkas kakis à doublure amovible achetés dans les stocks américains dont celui de la rue de Strasbourg.
Soigneux et précis depuis mes premiers apprentissages au dessin technique en 4ème et 3ème –enseignement donné par un pro, ancien des chantiers de l’Atlantique -, j’aimais à travailler dans les règles de l’Art que l’on m’enseignait alors au lycée. J’étais rapidement devenu maître dans le passage de mes tire-lignes sur ma pierre à huile ou à la sculpture en fuseau des mines de mon critérium sur le petit grattoir « made in nous-mêmes » !
Les choses se corsèrent avec grand naturel dans mon cas à cause de l’enseignement général. Je m’accrochais néanmoins pour ne plus perdre la face comme du temps des redoublements successifs de mon CM2 puis dans la foulée de ma 6ème.
Un bref passage en classe de transition m’avait remis sur les rails et allait me mener en ligne quasi directe vers une agrégation de mécanique qui, suite aux méandres de la vie, me fit revenir à la case départ et dans le nouveau monde où j’enseigne actuellement : 16, rue Dufour à Nantes.
Quelques souvenirs topographiques, logistiques et traditionnels de la vie lycéenne d’un demi-pensionnaire au début des années 70 :
au réfectoire nous étions servis par des agents. Bière et/ou Castelvin trois étoiles et broc d’eau. Les plats arrivaient pour les tablées de 8 à 12. Il valait mieux se trouver du côté du passage du chariot ; même si, à ces deux places enviées, il incombait l’astreinte d’appeler et d’empiler les assiettes sales et autres couverts en fin de repas. Je ne me souviens pas m’être plaint le moindre jour de la qualité ni de la quantité du contenu de mes repas. De temps en temps une bataille de pain, imbibé d’eau, était déclenchée. Les raisons ? Certains étaient remis à leur place. Je n’ai jamais été pris, j’y allais pourtant de gaieté de cœur sans trop savoir pourquoi.
notre entrée dans l’école se faisait par le portail face au bar devenu « L’astre aux notes ». Porte, de nos jours, condamnée. Á droite, en entrant sous la verrière, la première pièce était le siège de la coopérative où, surtout en début d’année, nous achetions à bas prix cahiers, feuilles, crayons, gommes, etc. Pas de classeur en ce temps là. Des élèves tenaient la boutique.
en face, sous les arbres, le parking à vélos et le bungalow servant de siège au BDE. C’est de là, qu’un matin à la récréation, je partis, debout dans une brouette poussée par un camarade de promotion jusqu’aux bureaux actuels des proviseurs adjoints. Pas facile de garder l’équilibre sous les vivats sortant de la communauté des potaches en blouse blanche que nous étions tous obligés de porter. C’était en janvier 70. J’avais réussi, grâce à la prouesse de mon camarade, à déjouer l’obligation de mesurer le périmètre de la cour avec une allumette… Suivit le passage obligé au jardin des plantes de Nantes. Les Véters, bien planqués dans les massifs floraux, devaient être pliés en quatre lorsque j’ai déclamé, haut et fort à une vieille (elle devait avoir 50 ans !) , une déclaration d’amour du grammairien pleine d’émotions, : « Fallait-il que je vous aimasse, pour que pour vous je m’enflammasse et qu’à vos pieds je me misse pour que vous me repoussassiez… ». J’étais apte à devenir NANT’z’ART ‘’Boquette’’ en vertu des Saintes Traditions et par devant le conseil des Véters réuni en session extraordinaire, le conscrit RETIERE était reconnu à partir du 21 janvier 70. Existais-je avant ? Mes deux notes 11 et 11. La moyenne était vite calculée à la babasse qui faisait foi de vérité à l’époque : 11/20. Dans ce cas simple pas besoin de la table de logarithmes que nous avions pourtant toujours sur nous. Suivit une cérémonie d’apposition de paraphes, déjà dignes de futurs hommes d’affaires, sur le tampon du bureau de la promotion. Aucun traumatisme. Aucune séquelle. Plutôt la joie d’avoir retrouvé dernièrement le bristol qui m’avait alors autorisé l’achat du pins de l’école où le compas, le marteau et la masse, forment un logo et un esprit un peu franc-maçon qu’une vue de loin donne actuellement à ces évènements.
des autres traditions je me souviens de nos monômes lors de la mi-carême de Nantes enjolivant nos blouses blanches. Il y avait aussi la traditionnelle célébration du « Père Cent », une centaine de jours avant les premières épreuves du bac. Avant d’aller faire un repas bien arrosé, le seul de l’année, en groupe nous allions uriner sur la colonne portant le buste d’Eugène LIVET du côté de la rue Voltaire.
les salles de cours étaient à l’image du lycée de l’époque. Le bois d’arbre y régnait. Tables, chaises, bancs aux ateliers étaient marqués des empreintes de certaines lassitudes ou de grandes créativités poétiques. Quelques textes graveleux, ou gravures du même domaine, ouvraient les yeux des vieux ados que nous étions. En fin d’année, le club des amateurs de photographie exposait les meilleures compositions en la matière. Je me souviens d’une œuvre tout particulièrement. Elle se situait dans le petit amphi des ateliers d’outillage où nous dormions souvent d’un œil en essayant de percevoir l’importance des angles de coupe des outils (α, β, γ,…). Plusieurs générations de potaches étaient arrivées à bout d’un forage discret, à la tarière, de la planche épaisse servant de pupitre. Ce trou dans le bois épais offrait un magnifique affût de canon à qui voulait propulser un stylo usé d’une simple, mais brusque, percussion exercée de la paume de la main sur le cul de l’objet devenu volant et qui terminait alors sa course dans le tableau du prof. Un vieux critérium en alu faisait plus de bruit lors de son impact sur le bois vert où les dessins en couleurs n’avaient rien à envier aux images des rétroprojecteurs ou vidéo projecteurs actuels.
je ne me suis jamais ennuyé en cours. J’ai certainement rêvé, mais tout était constructif. J’aimais les matières techniques, le dessin, l’atelier. J’aimais aussi beaucoup mes profs. Je pense que nous étions tous admiratifs de leur érudition et ils savaient bien nous rendre ce sentiment. Les profs d’anglais étaient tous déguisés en anglais : costume noir, chemise blanche, cravate noire. Ils se la jouaient. Is n’t it, MM. METTERIE et THEBAUD, « So be it ! »... C’était une mode à eux. Chez nous, les cheveux commençaient à gagner les épaules. En maths j’étais bon, j’aimais la matière que je prenais pour un jeu. Je vivais sur ma lancée du collège. Pourtant mon enseignant, Monsieur CHEDOTAL, qui était aussi mon professeur principal, s’opposait à mon passage en 1èreE (maths, techno – maintenant SSI). Il était le seul. Les autres qui me savaient brillant, surtout dans les matières techniques théoriques et pratiques m’invitaient du bout des lèvres à entrer en F1 (fabrication mécanique). C’était la seule fois de ma vie, j’ai demandé à mon père de prendre rendez-vous avec ce prof principal. C’était un samedi matin. Les deux adultes ont parlé. J’écoutais. Je ne voulais surtout pas faire d’études pouvant contrarier mon souhait de devenir prof de gym. Faire un bac E me semblait plus approprié. L’été venu, j’ai reçu les deux dossiers et aussitôt déchiré le bon.
à propos de sport, le gymnase existait déjà dans sa première mouture. Anecdote : les cours, irrémédiablement, commençaient par un échauffement très militaire. Courses en tiroir sur la longueur du terrain de hand. Nous avions pris nos espaces, marqué une sorte de garde-à-vous. La course commençait. Pour ne pas nous prendre le mur ou les espaliers, lorsque le prof frappait dans ses mains, nous obéissions à son ordre gueulé : « - Tiroir à droite » ou « - Tiroir à gauche ». Un jour j’en ai eu assez. A chaque « clac » de la part du caporal, je me mis à crier « Et, hop ! ». Il nous fit reprendre les écarts, marquer le repos puis demanda à l’incongru de se dénoncer. Je me suis avancé de deux pas. Il m’invita à me mettre face à lui. J’entends encore le vent et le bruit à l’impact de la gifle qui manqua de me mettre à terre. Ce gars était un gymnaste de la Nantaise, il se la pétait un peu d’avoir formé un certain Guelzec, grand champion aux anneaux. Heureusement il y avait aussi Monsieur LEGAUD qui s’occupait de l’équipe de basket du lycée. Je me souviens très bien du jour où il est venu me débaucher en terminale lors d’un cours de physique, j’avais oublié que nous avions un match à jouer au palais des sports du Champ de Mars. Il avait fait comme José ARRIBAS qui était venu chercher son fils Claude à la Colinière. Son cas était plus grave que le mien, en effet Claude était attendu à la gare pour aller honorer une sélection avec l’équipe de France des juniors à laquelle il appartenait avant de jouer avec l’équipe première du FCN. En E je retrouvais mes copains des sélections départementale et régionale. Il y avait GICQUIAUD, REMAUD, PHILIPPE, etc. Le parking actuel du lycée n’était alors qu’un champ en friches où seule une piste de quelques couloirs menait de l’entrée du gymnase pour nous conduire sur soixante mètres et des poussières à nous fracasser contre un portail où se situe maintenant la barrière d’entrée des voitures. Pour arriver à cette lande couverte d’herbes folles, nous devions passer un sas rouillé. Il y avait aussi une aire de lancer du poids.
de vrais copains de l’époque, j’aurais pu garder MOREAU qui joua quelques matches en 5 au FCN. Qu’est-il devenu ? Nous nous entendions bien. Les seules traces de ces camarades restent pour certaines encore visibles sur mon té. Il y avait le grand JUTON, l’immense NUSBAUM, le fidèle LE GOFF du Loroux et bien d’autres encore dont ROBIN, HOUEL, GOUY, JEANNIC, GUIFFARD, Joe, etc. Pas de fille. Hervé MORISSON qui était passé par ma classe de transition, puis avait effectué un parcours en enseignement plus professionnel, nous avait rejoint en première E. Il fit, après son bac, une prépa aux Arts et Métiers (PENSAM) où il accomplit de performantes études. Comme quoi déjà en ces temps là, les passerelles existaient déjà…
question plaisanteries de potaches, j’ai en mémoire les pétards à mèche lente que nous mettions dans les cols de cygne des gouttières et dont nous attendions les déflagrations les yeux rivés sur nos montres. Jeux de paris bien désuets mais hilarants.
aux ateliers nous mettions nos uniformes - cotes bleues obligatoires -, dans des vestiaires glacés l’hiver. Nous lavions nos bras à l’eau froide dans de grandes auges avec un savon chargé de sable émeri. Pas de chaussures de sécurité. Les profs, presque tous d’anciens professionnels ayant de fortes expériences en entreprises, maniaient le papier à cigarette pour mettre à tangence les outils sur les pièces à usiner. Ils maniaient aussi très bien le kilo de vin rouge… Nous tournions au fil des semaines dans les divers ateliers. Je n’ai pas fait mon stage de fonderie mais je me suis rattrapé lors de mon passage à Vierzon quelques années plus tard. En chaudronnerie j’aimais souder. La note était mise en fonction du nombre de fois que nous traversions la tôle lors des exercices. Faire des soudures oxyacéthyléniques, à l’arc ou par points, pointer et tracer l’acier, découper la tôle, étaient de vrais plaisirs que mes élèves actuels me demandent. A l’époque nous gardions nos productions, y compris en fabrications de copeaux à l’étau-limeur, au tour ou à la fraiseuse universelle. Un jour nous avons participé à une commande de barrières pour la ville de Nantes. C’était du sérieux ! Nous n’avions pourtant que des trous à percer dans les tubes déjà cintrés. Les machines n’étaient pas sécurisées. Quinze jours avant mon épreuve pratique du bac, un copain a fait la bêtise de sa vie en prenant sa cote alors que son train de fraises tournait encore. Son pied à coulisse, pris dans le mouvement lui sectionna presque tout le poignet. Il me revenait de l’accompagner à l’infirmerie qui se trouvait alors dans la maison derrière le bassin. On traverse l’atelier, les vestiaires puis on s’engage sur le chemin gravillonné à l’époque qui longe actuellement les ateliers du GC. Le sang s’est mis à gicler d’un seul coup. Depuis je ne touche plus à une seule machine. J’ai peur. Le jour du bac arrive pourtant très vite et mon stress reste vivace. Je tire un sujet et un poste de travail : fraisage et train de fraises sur la machine du copain ! Aussitôt les profs présents m’envoient à la partie orale de l’épreuve. Je me souviens avoir répondu à des questions dans le domaine des traitements thermiques. Une vingtaine de minutes plus tard, je descends blême l’escalier métallique pour rejoindre ma machine. Mes jambes n’arrivent plus à me porter. Un prof me glisse : « - Tu appuies sur le bouton « M », tu sors ta pièce, tu nettoies ta machine et tu files ». J’obtempère. Il me mettra 12/20. Tout mon montage de réglage avait été fait par ce type. Ma pièce devait être bonne. J’étais débarrassé d’un poids ponctuellement. Aucun psychologue actuel n’arrivera à m’enlever mes craintes des machines tournantes. En Afrique, durant vingt ans, j’ai passé mon temps à me salir dans des ateliers de fabrication mécanique. Au Maroc, au Mali, au Togo, au Sénégal, moins en Côte d’Ivoire où les ateliers dignes de ceux de la Nasa mais, bien que neufs, étaient déjà totalement détruits à mon arrivée en 1993. Ces expériences, nécessaires et obligées de par mes contrats successifs, me faisaient donner des ordres justes – je savais faire les choses mais ne pouvais les montrer ! « C’est grave Docteur ? ».
Lorsque je suis rentré en France après avoir obtenu mon agrégation de mécanique et donc effectué une vingtaine d’années en Afrique, j’ai été nommé à LIVET. Coup de bol immense.
Les choses ont bien changé. Le monde aussi.
Comme je l’écris en exergue dans mon dernier livre : « Bien que des gens vertueux effacent le passé, il est impossible d’effacer l’avenir ». Je ne sais pas d’où m’est venue cette idée d’écrire cela.
A mon sens, il est aussi beau de se tromper en usinant une queue d’aronde que de faire des fautes de syntaxe, de grammaire ou d’orthographe. Éduquer, enseigner est un plaisir. Heureusement que les élèves sont là ! Alors, avec l’âge, j’écris pour eux.
Bac en poche, après un passage au second tour, car je n’avais eu que 11,98/20 au premier groupe des épreuves, j’ai intégré la dernière promotion LIVET de la préparation spécifique à l’ENS de Cachan (PENSET). Une mauvaise réception, un genou fâché, lors d’un smash avec les oreilles, durant un simple entraînement au basket-ball dans mon club, m’avait fait perdre toutes ambitions de devenir prof de gym car je ne pouvais plus me rendre aux tests d’admission au CREPS d’Angers. J’avais alors annoncé mon vœu de devenir instituteur. Mes enseignants de terminale ont saisi l’occasion pour me faire jouer le rôle du troisième élève de la section. Car nous n’étions que trois… Il fallait sauver le soldat PENSET 1.
Bilan comptable : 7 profs de très grande qualité pour seulement trois élèves. Je devrais dire deux et demi. Il y avait Paul POULET l’interne, le surdoué de Lorient, puis un gars très riche qui venait en cours lorsqu’il ne dormait pas chez lui ou chez une copine et moi, qui résistais, toujours en m’accrochant. Nos présences en salles se résumaient à de véritables cours particuliers. Je n’ai rien fait durant cette année en dehors du lycée. Rien de bien sérieux si ce n’est d’obtenir mon brevet d’état et mon diplôme d’entraîneur de basket qui ne m’a été délivré qu’à mes vingt ans. Arriva le conseil de classe de fin d’année. Délégué, j’ai plaidé pour la classe entière, c’est-à-dire seulement pour moi-même. Il se déroula, prestige des prépas dans la salle du conseil, sous les yeux d’Eugène, du Proviseur et des paires d’yeux du corps enseignant. Le cas de Paul était réglé d’avance, il me suivra où j’irai. Il n’écoutait les profs que pour leur conseiller des méthodes plus élégantes en maths et en physique. Á l’internat, que j’ai découvert du fait de sa présence, j’ai pu constater que la guitare électrique qu’il venait de se fabriquer en plus d’un petit ampli ne lui permettait que de capter France Inter lorsqu’il posait son engin sur le radiateur en fonte de sa chambre. Il ne connaissait pas les notes ! Bling, bling seulement ! Le troisième larron abandonnait pour reprendre l’affaire de vente de voitures de son père. J’ai promis, promis et promis à nouveau… de me mettre au travail. J’étais admis à passer en seconde année. Il me revenait de choisir où !
Un stage au CREPS de Talence près de Bordeaux m’invita à aller faire un petit tour au lycée Gustave EIFFEL de la ville à la place des quinconces. J’ai vu le trombinoscope d’hypothétiques futurs camarades de classe. Je suis sorti en courant du bureau du proviseur en cet été 1973. C’est donc dans le Cher, à Henri BRISSON, une ancienne ENP comme LIVET, que j’ai terminé ma PENSET 2 pour intégrer l’ENS à Cachan au 13ème rang.
Jeune, j’aimais bouger et j’avais déjà beaucoup bougé en France. Vierzon fut une admirable découverte où je me rends toujours très régulièrement à la surprise de beaucoup. Les choses y ont énormément changé là-bas aussi. Dans ce lycée fort et encore plus fier de ses traditions, bien que n’y ayant pas obtenu le bac, j’ai pu, par un tour de passe-passe devenir VIER’z’ART, du moins symboliquement et j’en suis très fier. Mon implication dans la vie du lycée et surtout notre titre de champion académique de basket doivent y être pour beaucoup.
Parlons de quelques têtes remarquables du lycée LIVET qui me reviennent de ces temps passés :
Maths : Mesdames DARDANNE (1Eb) et des COGNETS (TEb). Par une opération du Saint-Esprit des espaces euclidiens, j’étais redevenu bon élève après ma seconde calamiteuse aux yeux d’un seul être. Ces deux femmes étaient plus petites que mon mètre soixante-trois et demi. Madame des COGNETS m’aimait tant, qu’elle m’attendait au sortir de l’épreuve du bac. Rien qu’en voyant ses yeux je réalisai alors que j’avais fait la bourde qui tue dans l’exercice sur les nombres complexes. Tout le reste du devoir était bon d’après mes brouillons.
Physique chimie : Monsieur SICRE nous empestait avec ses mélanges, mais nous confirmait que pour la chimie il fallait apprendre ses leçons. J’ai donc fait du tout par cœur durant trois ans dans cette matière. Mademoiselle PERGIER (dite Nénette) nous faisait sortir les yeux des orbites. Pourquoi ? C’était en prépa, nous avions grandi un peu ! À deux ou trois devant son kilt, il nous était dur de résister aux crises de rires.
Philo : Monsieur HERON en TEb : Jeune prof, très jeune prof, nous devions être ses premiers élèves. Jamais, même s’il nous en avait donné la permission, nous ne faisions de maths ou de physique durant ses cours passionnants. Un jour, il nous fit faire l’expérience d’un psychodrame qui vira trop vite au vrai drame. Sur son bureau, 4 ou 5 élèves devaient se mettre en tailleur et surtout dans la peau des survivants du Radeau de la Méduse qui était de passage au musée des Beaux Arts à Nantes. Hélas, pour ce jeune enseignant, un gars sensible malgré une carrure de pilier de rugby, s’était totalement pris au jeu et pleurait à chaudes larmes. Impossible de le calmer, de le faire revenir à la réalité. Inconscients nous étions pliés en quatre et le copain a certainement fait un stage à l’infirmerie pour finir la journée. Lors de son inspection, nous n’avons pas reconnu Ben Platon. Évaporées l’aisance, la détente et la joie de dire dans le jardin. Tétanisé, il paniqua tant que l’inspecteur prit la parole devant nos sens interdits. Nous avions beaucoup de peine car nous aimions beaucoup cet enseignant parti se réfugier au fond de la classe la tête entre les mains.
Technologie : Jamais je n’arriverai à la cheville de Monsieur CLAVIER Alain dont j’occupe actuellement le poste de PEP3 en CIM au Lycée. Ses tableaux étaient de pures merveilles. Les préparations de ses cours et le déroulement de ceux-ci étaient remarquables. Tout était minuté, ses corrections des modèles du genre… Monsieur LEBLOND en technologie générale : petit homme toujours en blouse grise à la ceinture bien repassée et passée dans tous les onglets, personnage très smart à l’écriture minuscule me fut bien utile lorsque je commençai ma carrière au Maroc où j’enseignais cette matière et le bureau des méthodes.
Anglais : Madame DESCHEMAECKER, nous l’appelions sans méchanceté aucune « La dèche mon cœur ». J’étais un peu amoureux de cette femme de presque quarante ans de plus que moi. De temps en temps, j’allais prendre le thé chez elle, quai de la Fosse, sous une verrière. C’est à cause d’elle que j’ai atterri un jour à New-Orleans chez des Américains qui l’avaient hébergée durant un an lors de ses études dans un quartier résidentiel près du lac Pontchartrain. Femme exceptionnelle, elle nous donnait des cours particuliers en prépa. Simplement. En nous faisant lire de l’anglais tiré de diverses revues et journaux. Peut-être aussi parler un peu la langue de chaque spire.
Histoire-Géo : Monsieur BRENAUT, dont j’ai la caricature gravée entre mes neurones, distillait ses cours au second étage dans le bâtiment d’enseignement général. Sous les poutres ancestrales, dans une immense salle sombre, il ne savait pas qu’il me faisait rêver à cause de tous les posters et cartes géantes qui garnissaient les murs. À force de multiples anecdotes aussi. Comme celle où il nous fit le constat amer que nos cellules commençaient à moins se reproduire car nous approchions de la vingtaine…Que cela venait-il faire en cours d’HG ? Un jour, devant une classe endormie, il demande pourquoi les chinois allaient devenir encore plus nombreux. J’ose réveiller mes camarades. Je lève la main à la surprise générale. J’entends dans les travées : « - Bon sang, RETIÈRE a une idée ! ».
Allez-y RETIÈRE, je vous écoute.
Monsieur, il suffit simplement de compter les intérêts des intérêts ! dis-je après m’être levé dans l’allée.
Très bien. Je vous mets un 18/20.
Cette note figure sur mon bulletin du premier trimestre 1Eb (70-71).
J’allais oublier « BEDEBS » le surveillant général auquel je n’ai jamais eu à faire. Seule une pièce d’un sou, scotchée avec un petit mot du patron, au bar devenu « L’astre aux notes » signifiait la présence habituelle et familière du colosse en ces lieux d’espionnage : « Premier et dernier pourboire de Bédebs ».
De LIVET, en dehors de ces souvenirs épars, je ne souhaite garder que le pins, le bristol faisant de moi un gars du lot, et surtout la pelle à « bourrier », fier résultat d’un TP de seconde, confié(e) à mes parents telle une offrande en un Noël 69. Déjà !
Denis RETIÈRE
Le 1er mars 2009
* passage à LIVET de 1969 à 1973 (2T1d, 1Eb, TEb, PENSET1.